« Certaines n’avaient jamais vu la mer » – Julie Otsuka (2012)


Au début du XXe siècle, des milliers de Japonaises émigrent vers l’Amérique, dans l’espérance d’un monde meilleur. Elles sont destinées à un mari qu’elles ne connaissent pas, elles partent des rêves plein la tête, la photo fanée d’un homme chic serrée contre leur cœur. A leur arrivée, la désillusion. Il n’est pas médecin, avocat ou grand commerçant. Il est ouvrier agricole, domestique ou mac. Il n’est pas beau, attentionné, mais vieux, taciturne, parfois brutal. La vie rêvée se heurte avec la réalité, mais il faut vivre, ou survivre.

certaines n'avaientEtonnant bouquin, écrit du début à la fin en « nous ». Un livre-chœur, une narratrice multiple.  Tous les destins entremêlés sont décrits dans ce nous, on passe de celle qui travaille 14h par jour aux champs à celle obligée de s’allonger sous un homme dans un motel miteux. On vit le choc culturel avec les Américains dans leur regard tout en découvrant ce qu’elles ont importé de culture japonaise. C’est aussi l’histoire d’une première génération d’immigrés, sa lente intégration. Puis le temps passe, jusqu’à la guerre…Le Japon devient un ennemi, et ceux qui sont sur le territoire américain, une menace. Ce livre a été très documenté, Julie Otsuka l’explique dans son épilogue, et on le sent. On a l’impression de vivre de l’intérieur un pan de l’Histoire. Quand on y pense, lorsqu’on lit les livres d’Histoire, l’Histoire n’est pas un « je », elle est un « ils ». La raconter avec un « nous » donne à voir l’intime dans sa globalité.

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