Archives de Tag: différence

« Eloge de la faiblesse » – Alexandre Jollien (1999)

L’auteur, Alexandre Jollien, est handicapé moteur. Il a vécu 17 ans dans une institution puis se lance – surprise – dans des études de philosophie.eloge Une façon de mieux comprendre son monde, les relations entre les gens, la « normalité ». L’aboutissement de sa réflexion, c’est ce livre; un dialogue entre lui et Socrate, une figure qu’il apprécie tout particulièrement, un interlocuteur qu’il imagine sage et bienveillant.

C’est un tout petit livre, une centaine de pages. Et un témoignage touchant. La philosophie est là, distillée, réflexions sur la vie, réflexions très concrètes: les rapports avec ses éducateurs, avec ses amis, la découverte de la philosophie, l’acceptation de sa différence, le questionnement sur ce qui est ou non « normal »…Un témoignage concret mais qui prend de la hauteur grâce justement à cette réflexion philosophique. Et du coup, on découvre ce que c’est d’être dans la tête d’un homme handicapé et en plus, on s’élève en réfléchissant avec lui. Alexandre Jollien nous propose un regard intéressant sur la pitié, sur le fait de grandir, sur l’Autre. Et il nous fait comprendre aussi – et c’est important! – que la philosophie est accessible à tous et découle du quotidien.

  • A lire : pour tourner le dos à la pitié qui infantilise, et pour réfléchir à la "faiblesse", ça ne fait jamais de mal 
     dans une société où la rentabilité et la productivité sont des valeurs fondatrices
  • Le fond : 8/10
  • La forme : 6/10
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« L’envie » – Sophie Fontanel (2011)

L’auteure, par constat puis par choix, décide de ne plus avoir de relations sexuelles. Son corps n’en veut plus, elle respectera donc cela. Elle ne le revendique pas, mais l’assume comme un état de fait. Et petit à petit, elle constate tout ce que cela implique dans le regard des autres…

9782290054703Ce livre, on en a fait un foin. On l’a critiqué, aussi, sous l’angle du « madame veut faire le buzz en parlant (d’absence) de sexe ». Hé bien moi, j’ai été séduite par ce petit bouquin. Une sorte de confession, un cheminement personnel. Et surtout un regard sur la différence.

Cette différence, elle dérange les gens. L’auteure s’en rend vite compte : on essaye de la caser, on lui pose des questions embarrassantes, on la plaint. Voilà pour le fond. Ce qui est intéressant, au-delà de ça, c’est de se demander pourquoi ça dérange. Je table sur le décalage : son immobilisme à elle, sa « mise sur pause », versus le monde en mouvement perpétuel. Sophie Fontanel devient – malgré elle – le symbole de l’opposition à la dictature de l’orgasme. Militante involontaire d’une cause qui la dépasse, elle fait surtout preuve, en décidant de respecter son corps, d’une vraie prise de liberté: celle de pouvoir prendre le contre-pied de toute cette frénétique mobilité du monde.

Coté écriture, j’aime beaucoup ces phrases courtes, ces chapitres succincts, qui se succèdent comme autant de touches sur une toile impressionniste et qui dessinent, le long d’un fil rouge (l’absence de sexe), une idée, une réflexion en plusieurs couches.

  • A lire : rapidement. Pour réfléchir, parce qu'au-delà de l'histoire, c'est surtout le monde sous
      un angle précis que l'on nous raconte, et ça vaut le coup de s'interroger un peu.
  • Le fond : 8/10
  • La forme : 9/10
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