« Les âmes grises » – Philippe Claudel (2003)


Guerre 14-18 dans un petit village français. Elle avait une dizaine d’années, on l’appelait Belle de Jour. La fille de Bourrache, le tenancier du restaurant, est retrouvée morte étranglée près de la rivière. Même village, même moment. L’institutrice Lysia Verhareine, jeune fille charmante, s’est pendue dans sa chambre. Cette affaire là est bouclée directement, pour l’autre l’enquête commence, mais tout finira par s’entremêler, y compris l’histoire personnelle du narrateur.

les-ames-grisesPhilippe Claudel nous plonge une fois encore dans le contexte d’une guerre, cette machine immense qui broie des vies, des familles…des équilibres. Et c’est là sans doute le fil rouge de cette histoire multiple : la rupture d’un équilibre que l’on croyait immuable, ici par un meurtre, là par un suicide, et la recherche de toute une vie pour le rétablir, quitte à ce que cette recherche devienne en quelque sorte ce nouvel équilibre bancal et étrange. C’est exactement ce qui arrive au narrateur: comme dans « Le rapport de Brodeck », il n’est que « témoin » et il relate par écrit ce à quoi il a assisté, mais cette enquête qu’il finit par mener seul en fait le sujet principal. Et je salue, une fois encore, le talent de Claudel. Fossoyeur des âmes, il va fouiller ce qu’il y a de plus noir, de plus banalement laid, et le raconte avec justesse, avec finesse; comme la beauté d’ailleurs. Ajoutons qu’il nous offre une belle réflexion sur la culpabilité et l’innocence. Parce qu’on est jamais complètement coupable ou innocent. Parce que nous sommes des âmes grises.

Les salauds, les saints, j’en ai jamais vu. Rien n’est ni tout noir, ni tout blanc, c’est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c’est pareil…T’es une âme grise, joliment grise, comme nous tous…

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