Nous sommes en 1959, en Géorgie. Et le pasteur Price, pasteur évangéliste, assez radical, extrémiste, on peut le dire, décide d’aller s’installer avec sa femme et leurs quatre filles à Kilanga, un village congolais. Il a un objectif : évangéliser les gens, élever vers le « vrai dieu » cette population africaine engluée dans sa culture impie… Bref, ce sont des missionnaires pure souche.
Ils sont accueillis avec un festin de viande de chèvre, les femmes chantent, sont à moitié nues, les hommes aussi, le choc culturel est intense…imaginez cette famille qui a tout abandonné et qui se retrouve en pleine jungle, qui ne connait rien au pays…Le choc culturel est évidemment immense.
C’est un roman polyphonique : on va suivre l’histoire au travers du destin de la mère et des quatre filles. Cette mère, d’abord, persuadée d’être en terre hostile, qui fait tout ce qu’elle peut pour maintenir la famille à flots, lui faire à manger, la soigner, mais qui est profondément désemparée dans ce pays dont elle ne connait rien : ni la nourriture, ni les coutumes, ni la langue, ni les maladies, ni les menaces…
On va suivre aussi l’ainée : très jolie, très blonde, centrée sur elle-même…Les deux jumelles, l’une débrouillarde et garçon manqué, l’autre surdouée mais silencieuse et hémiplégique. Et enfin, la petite dernière, pétillante et charmeuse.
Leur installation, leur façon de vivre, de communiquer, tout est une succession de malentendus avec les gens du village. Le père, tellement déterminé et aveuglé, ne veut rien entendre…jusqu’au jour où, inévitablement, arrive un drame qui va ébranler toute la famille. Comment chacune va-t-elle le vivre? Faut-il rester ou fuir, c’est toute la question de ce livre.
Êtes-vous déjà en république démocratique du Congo ? Moi, jamais. Mais après avoir lu ce livre, j’en ai eu un puissant aperçu. Barbara Kingsolver s’est longuement documentée pour l’écrire, et elle ne lésine pas sur les éléments historiques et de contexte. On découvre le rôle des Belges dans la colonisation, on s’interroge sur le droit des peuples à l’autodétermination. J’ai trouvé très fort aussi de donner la parole à des femmes, cinq facettes qui sont autant de regards sur l’Afrique du milieu du 20e siècle. Alors accrochez-vous, ça fait 700 pages…mais quelles 700 pages!