« Le coeur cousu » – Carole Martinez (2007)

Fransquita Carasco vit dans un village du sud de l’Espagne. A l’adolescence, elle reçoit de sa mère une boite mystérieuse, à ouvrir neuf mois seulement après son « initiation ». Elle a reçu en héritage des prières qui soignent, un don, celui de coudre, et des dizaines de bobines de fils aux couleurs chatoyantes. Dans un pays où la sorcellerie est condamnée, où la couleur, écrasée par la blancheur impitoyable du soleil, n’existe pas, on s’en doute, Fransquita ne va pas mener une vie comme les autres.

Mmmh quel doux plaisir de revenir à l’écriture de Carole Martinez. J’avais lu « Du domaine des murmures » (Lire l’article ici ) il y a quelques temps, et c’est le livre que j’ai le plus conseillé, le plus offert autour de moi, tant je l’avais trouvé différent et envoûtant, par l’histoire et par le style. Retrouver cette ambiance particulière m’a donc directement séduite. Ce qu’il y a d’impressionnant, c’est cette écriture, très métaphorique par moment, mais qui plonge en deux secondes dans un univers de contes. Pas contes et légendes, non, plutôt des contes à la manière des Frères Grimm, avec un réel teinté de magie qui coule de source : l’aiguille de la couturière coud les tissus mais aussi les gens, son éventail devient un papillon, il y a des ogres et un simple baiser peut tuer! Mais à ne pas confondre avec Walt Disney : ici on tremble, la violence est poignante, les méchants sont noirs et ambigus.

Le roman est découpé en une multitude de chapitres courts, chacun racontant un épisode de la longue saga familiale de Fransquita et de toutes ses filles, leurs dons, leur vie. Carole Martinez coud son récit comme un immense patchwork cohérent, avec un seul fil, un fil rouge, celui de la magie. Belle(s) histoire(s) pour les grands enfants qui dorment en chacun de nous.

• A lire : pour s'envoler, découvrir autre chose. Attention, beaucoup de personnages, pas toujours évident à suivre, 

     donc mieux vaut le lire dans un laps de temps assez court pour ne pas perdre le fil (le comble pour une histoire de couturière)

• Le fond : 8,5/10

• La forme : 9/10

« Du domaine des Murmures » – Carole Martinez (2011)

1187. Esclarmonde, 15 ans, doit être mariée à un chevalier violent et sans coeur. Pour échapper à ce destin, elle décide d’être emmurée vivante dans une chappelle érigée à la gloire de Saint-Agnès, pour prier en communion avec Dieu. Violée le matin de sa mise au tombeau, elle accouchera d’un enfant dans sa geôle…il changera sa vie. Ses espoirs, sa vision du monde, ses rapports avec Dieu. La jeune fille devenue mère découvre le réel, au moment même où elle a décidé de s’en exclure.

« Et moi, j’étais entrée dans ma cellule comme en un navire, j’y avais essuyé des tempêtes, abordé des terres inconnues, j’y avais tout perdu et tellement espéré. Comment pouvait-on tant apprendre, tant changer, tant souffrir, tant vieillir, en si petit espace? »

L’écriture est belle, simple et imagée, elle nous plonge sans difficulté dans une époque où la prégnance de Dieu, du surnaturel et des légendes font partie du quotidien. Tout devient possible, tout en étant très tangible. Une étrange dialectique que Carole Martinez rend avec beaucoup de poésie.