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« Tu leur diras que tu es hutue » – Pauline Kayitare et Patrick May (2011)

9782874951282FSRwanda, 1994. Pauline a treize ans. Elle est tutsie. Cela ne veut pas dire grand-chose pour elle, jusqu’au jour où tout bascule. L’avion d’Habiyarimana est attaqué, le président est tué, les appels à la haine sur la Radio mille Collines commencent : c’est le début des massacres perpétrés par les hutus sur les tutsis. Avant la fuite, sa mère fait promettre à Pauline de dire à qui lui demandera qu’elle est hutue. Avec son physique, cela peut passer. S’en suit une longue fuite, la mort vue de très près, les massacres d’une intense cruauté. Le viol. La perte des êtres chers. Le Zaïre. Pauline échappe à la mort et n’a qu’une seule obsession après le génocide : survivre et se plonger, s’immerger dans les études.

Ce sont les vingt ans de ce génocide cette année. Vingt ans. Dans quelques jours, il y aura les commémorations, les reportages dans les journaux, le bilan de la politique de réconciliation nationale décortiquée par les médias. Et si, au lieu de s’attacher aux dates, on se plongeait dans un destin particulier ? Pauline n’est pas un personnage fictif. C’est une héroïne bien réelle, elle est à peine plus âgée que moi, et elle a traversé des épreuves d’une horreur incroyable. Sa pugnacité l’a menée en France, où elle a obtenu un statut de réfugiée politique avant d’obtenir la nationalité française. Elle a épousé Stéphane, qu’elle avait rencontré au Rwanda. Mais quelques années après, tout est remonté, la dépression l’a submergée : son fardeau était trop lourd. Il fallait qu’elle évacue. Stéphane lui fait rencontrer Patrick May, qui l’a écoutée et qui a retranscrit toute son histoire. Ce texte que l’on tient en main, c’est ce qui a sauvé Pauline. C’est aussi ce qui peut sauver de la bêtise humaine, du rejet, de l’exclusion, de l’exacerbation des différences. Et qu’est-ce qu’on y pense, quand le FN bat des records juste à côté de chez nous! Ce livre m’a serré le coeur, retourné l’estomac, secoué l’âme. Certains me diront « quelle horrreur, moi je préfère ne pas lire ce genre de truc! ». Moi j’y vois un devoir. Parce qu’on ne peut pas vivre sans conscientiser tout cela, et comme un écho, la chance que l’on a. La force de ce texte, c’est aussi que sans pathos ni larmes, dans une écriture sobre qui est la plus adaptée à ce type de récit testimonial, Pauline nous fait vivre son passé avec beaucoup de pudeur et de simplicité. C’est d’autant plus poignant : l’esprit du lecteur n’a pas une formule ou une métaphore dans laquelle s’oublier. Collision frontale, sans airbag.

  • A lire : avec le cœur bien accroché, pour revivre une page sombre de l'Histoire avec intensité
  • Le fond : 9/10
  • La forme : simple, directe, rien de spécial 
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